La propagation du COVID-19 est-elle la conséquence d’une mauvaise manipulation d’un laboratoire de Wuhan dans le cadre d’un usage dual (civil-militaire) des moyens de recherche scientifique dont la capitale du Hubei aurait été l’épicentre ?
Le gouvernement de Xi Jinping [習近平] a réfuté les allégations d’une manipulation inappropriée qui aurait produit accidentellement la pandémie. Tout comme les scientifiques prochinois (en France et ailleurs) ont réfuté avec célérité l’hypothèse du professeur Fang Chi-tai [方啟泰] de la National University of Taïwan selon qui ce Covid-19 pourrait être d’origine synthétique.
Au lieu d’accéder aux demandes de l’Australie d’une enquête internationale sur les origines de la pandémie, la diplomatie chinoise a lancé une campagne contre ce pays et accusé les Américains d’être à l’origine de la pandémie véhiculée par une délégation sportive de l’armée US à l’automne 2019.
En outre, la Chine nie être engagée dans la course aux armements bactériologiques ou biologiques. Au moins sur ce point est-il possible de montrer comment, derrière la désinformation du parti communiste et de son dirigeant Xi Jinping, se profile une réalité toute autre.
Et de poser certaines questions qui intriguent :
∙ Pourquoi des spécialistes taïwanais et d’autres se sont-ils persuadés que le Covid-19 a jailli du Laboratoire P-4 ( ou BSL-4, Biosafety Level 4, de sécurité maximale) de l’Institut de virologie de Wuhan ? Tandis que d’autres incriminent le Laboratoire P-3 à Wuhan du même Institut ?
∙Les services européens dont les français (DGSE, DRM), théoriquement bien placés pour obtenir des informations puisque la France a vendu le laboratoire P-4 à la Chine, ont-ils raison d’identifier des labo P-4 clonés à partir du premier livré clefs en mains par l’Institut Pasteur à Wuhan et opérationnel en 2017 ?
∙ Le laboratoire P-4 identifié comme clone du labo P-4 de Wuhan pour la guerre bactériologique est-il bien basé à Harbin en Mandchourie ?
∙ Est-il exact que, comme leurs camarades nord-coréens pour la guerre bactériologique, les Chinois ont eu recours à l’expérimentation sur des cobayes humains en particulier des Ouïghours du Xinjiang ?
∙ A quoi sert le laboratoire vétérinaire itinérant P-3 obtenu à la suite des accords franco-chinois ?
∙ Deux autres labos P-4 dupliqués à partir de celui de Wuhan sont-ils en voie d’être opérationnels à Kunming et Pékin ?
∙ Enfin pourquoi la responsable de la biotechnologie à l’Académie des sciences militaires médicales (AMMS), la générale Chen Wei [陈微] a pris la direction du Labo P-4 de Wuhan, réputé « civil » en février 2020 ? Seulement pour découvrir un vaccin comme elle l’avait fait pour le SRAS ou le Virus Ebola ?
Pour envisager des éléments de réponses à ces questions il est bon de se pencher sur l’historique de la guerre bactériologique ( xijunzhan 细菌战 ) qui se fond dans le dispositif de la guerre biologique (shengwuzhan : 生物战) théorisée par l’Armée populaire de libération (APL) au XXIe siècle.
Un dispositif soviétique en Chine populaire avant la guerre de Corée
Les historiens qui évoquent la naissance du dispositif de guerre bactériologique en Chine populaire lui confèrent une double origine : les expérimentations japonaises lors de l’occupation de la Chine, de la Mandchourie et de la Corée (1937-1945), et la récupération des savants de l’armée nippone par les services spéciaux américains ; deuxièmement l’utilisation de ces compétences dans la dissémination de virus et de bactéries pendant la guerre de Corée (1950-1953).
Ce point de vue constitue déjà un camouflage de la réalité car les Soviétiques sont intervenus sous Staline AVANT la guerre de Corée pour aider leurs camarades chinois.
Les Soviétiques ont aussi capturé des savants et récupéré des archives des expériences de l’Unité 731, et – tout comme les Américains – les ont utilisés pour concevoir des armes de destruction massive et le montage à Sverdlovsk d’une station de guerre bactériologique. Par contre, ils ont procédé à un procès public des responsables. Une partie de ces documents ont été publiés en 1950, par exemple en français : Documents relatifs au procès des anciens militaires de l’armée japonaise accusés d’avoir préparé et employé l’arme bactériologique (Editions de Moscou).
En plus des actes d’accusations et des plaidoiries, on note les noms de scientifiques soviétiques qui président le jury et qu’on retrouve au cœur de l’alliance sino-soviétique : en particulier Nikolaï N. Joukov-Vérejnikov, microbiologiste et membre de l’Académie de médecine (mentionné dans certains documents comme ponte scientifique du KGB).
Outre le chef de l’armée du Guangdong (Cantonais), le général Yamada Otozô [山田乙三], le chef de l’administration médicale), les chefs des services médical et vétérinaire, une brochette de responsables de l’Unité 731 sont condamnés de 25 à 3 ans de prison.
Parmi les révélations de ce procès, Kawashima Kiyoshi [川島義之], chef du Bureau général de l’Unité 731 (condamné à 25 ans de prison) détaille comment celle-ci en 1941a lancé au-dessus de la ville chinoise de Changde des bouteilles de porcelaine remplies de puces infectées du virus de la peste provoquant une épidémie dans la région. Or, la mise au point des agents pathogènes a été validée par l’expérimentation sur quelques 3000 cobayes humains.
La Guerre froide faisant déjà rage, à l’Ouest on a peu donné de你 publicité à ces documents venus d’URSS. On insistait sur le fait que Moscou soulevait un lièvre pour mieux critiquer les Américains qui auraient utilisé les travaux de l’Unité 731 pour leur propre effort de guerre tandis en Corée, utilisant des Japonais comme conseillers des troupes américaines opérant sous couvert de l’ONU en 1952.
Dans les années 1970 des publications ont démontré que les Américains avaient bien récupéré les chefs de cette Unité 731, ce qui n’a été reconnu par le Japon qu’en 2002. L’unité 731 n’avait pas seulement une filiale à Pingfang en Mandchourie, mais une autre à Singapour sous le nom OKA 9420 (dont le rôle provoquant des épidémies en Thaïlande comme l’a enfin révélé en 2018 l’historienne Cheong Suk-Wai.
Le tribunal de Khabarovsk comprenait des spécialistes de la guerre bactériologique dont plusieurs ont aidé les Chinois à bâtir leur propre dispositif à commencer par Joukov-Vérejnikov.
Cependant, le système russe s’est développé plus tôt. Il a vu le jour en 1928 et en 1939 Staline a chargé Lavrenti Beria, le chef du NKVD, de l’effort de guerre bactériologique. La responsabilité opérationnelle en incombe au colonel-général Yefim Smirnov restera à la tête du dispositif jusque dans les années 1980 qui a pris le nom de 15ème Directoire principal de l’État-Major de l’armée rouge.
C’est de lui dont dépend la délégation soviétique envoyée auprès des experts de Mao Zedong, dirigée par le professeur Kakosky [son nom chinois : 卡科斯基 ]. Selon une dépêche de la CIA, aujourd’hui déclassifiée et datée du 24 juillet 1951, ce bactériologiste soviétique est venu installer une « grande agence à Pékin pour la recherche en guerre bactériologique, assisté de cinq techniciens de laboratoire et seize instructeurs chinois. »
Le personnel chinois se compose d’étudiants de retour de pays anglo-saxons.
Un autre rapport signale la mise en place en décembre 1951 d’une école spéciale de formation d’utilisation des armes bactériologiques et chimiques et de protection. Située à l’extérieur du village de Chinghochen (Manchourie), entourée de barbelés « cette classe comprend plus de 170 élèves dont 40 femmes. Les administrateurs et enseignants sont tous soviétiques. Les élèves prennent des notes lors des conférences et vont s’entrainer à la pratique sur le terrain.¹»
Ainsi l’Armée populaire de Libération (APL) a créé un dispositif défensif/offensif NBC – Nucléaire, Bactériologique, Chimique –, incluant l’étude épidémiologique et la réalisation de vaccins sous l’égide d’une structure spécifique à l’APL en liaison avec les administrations scientifiques civiles (l’Académie des Sciences, les ministères de l’agriculture et de la santé, etc.). [Voir plus bas]
Le quiproquo de la guerre de Corée
Rappel. Le 25 juin 1950, l’armée de Corée du Nord franchit le 38ème parallèle marquant la frontière entre les deux Corées. L’ONU dénonce les agresseurs et met sur pied une force militaire sous commandement US. En octobre, le général MacArthur déclenche une offensive qui lui fait traverser le 38ème mais subit un revers face à l’arrivée massive de « Volontaires » chinois. C’est la retraite de l’hiver 1950-51. MacArthur est remplacé par le général Matthew Ridgeway. En février 1952, Chinois et Nord-Coréens annoncent qu’ils ont découvert des « bombes bactériologiques » essaimées par les Américains pour provoquer la propagation de la peste, de la typhoïde, de l’anthrax.
Les échanges entre le chef d’État-major de l’APL Nie Rongzhen [聂荣臻] et Mao Zedong [毛泽东] sont désormais connus. Le 18 février, Nie affirme au Grand Timonier que l’ennemi a disséminé par voie aérienne des insectes sur la ligne de combat où se trouvent les 20ème, 26ème, 39ème et 42ème corps d’armée chinois. Des experts ont été dépêchés sur place et des insectes transférés à Pékin à fins d’analyse. Selon leurs conclusions, les bactéries détectées causeraient choléra, typhoïde, peste et fièvre récurrente.
Une campagne internationale du bloc communiste dénonce désormais la guerre virale. Des manifestations se propagent dans le monde entier contre « Ridgeway la Peste ». La Chine refuse une commission d’enquête de la Croix rouge internationale. Au contraire, en avril 1952, elle constitue sa propre « Commission scientifique internationale d’investigation concernant les faits de guerre bactériologique en Corée et en Chine », dirigée par le médecin britannique Joseph Needham, président des amitiés anglo-chinoises, et dans laquelle on retrouve Joukov-Vérejnikov du procès de Khabarovsk, et des médecins compagnons de route du mouvement communiste. Côté chinois, on note des personnalités de premier plan : Cheng Shaohui [程紹迴] directeur du Bureau « élevage et vétérinaire » du ministère de l’Agriculture, futur président de la Société vétérinaire ; le Dr Qian Sanqiang [钱三强], ingénieur atomiste formé en France par Frédéric Joliot-Curie, « chargé de contact » avec les scientifiques étrangers ou encore Liao Chengzhi [廖承志], vétéran du Komintern ² , spécialiste du renseignement sous couvert du Département de front uni du PCC et à cette époque-là de la section chinoise de… la Croix-Rouge ³.
La commission conclut à la réalité de la guerre bactériologique avec à l’appui d’interrogatoires de prisonniers américains de l’US Air Force qui confirment que l’aviation américaine aurait jeté des « bombes à bactéries » sur la Chine du Nord et la Corée (des témoignages extorqués et démentis une fois les prisonniers libérés).
Le correspondant de guerre du Monde Robert Guillain résume bien la situation : « On ne nous parle pas de découverte de bombes à bactéries, ni d’insectes trouvés sur les lieux, ni de virus décelé sous la “dispersion”. Non : un avion passe, et quelques jours après il y a la peste. C’est assez : l’idée s’impose qu’on aurait directement dispersé, etc. ⁴ » L’avenir le prouvera : Guillain avait raison. Ce qui n’empêche pas Mao à lancer de mot d’ordre :
« Faire attention à l’hygiène
Réduire la maladie
Élever le niveau de la santé
Faire échec à la guerre bactériologique de l’ennemi.₅»
On possède aujourd’hui le rapport envoyé à Béria par le lieutenant Selivanov, conseiller soviétique auprès de l’armée nord-coréenne. Il indique comment il a falsifié les rapports pour incriminer les Américains (concernant la variole qui n’était pas au catalogue des épidémies envisagées par les Chinois) :
« En mars 1952, j’ai donné la réponse de Chtemenko (chef d’État-major de l’Armée rouge), qu’il n’y a pas et qu’il n’y a pas eu de cas de peste ou de choléra dans la RPC, qu’il n’y a pas d’exemples d’armes bactériologiques, s’il devait y en avoir, qu’elles soient immédiatement envoyées à Moscou. Plus tôt, en 1951, j’ai aidé les docteurs coréens à rédiger un communiqué sur la dissémination de la variole par les Américains dans la population nord-coréenne. Avant l’arrivée en Corée de juristes, les représentants nord-coréens étaient sérieusement ennuyés de ne pas avoir réussi à créer des sites d’infection et demandaient constamment au ministère des affaires étrangères, de la santé et à l’administration militaro-médicale de l’Armée du peuple coréen – aux conseillers Smirnov, Malov et à moi-même – ce qu’ils devaient faire. J’ai quitté la RPDC en avril 1952.⁶»
En conséquence, les Soviétiques mettent un bémol à leur campagne ayant le sentiment que les Chinois les ont menés en bateau. Et enfin, avec le temps, des sources chinoises confirmeront mezzo voce qu’il s’est agi d’une vaste supercherie.
En septembre 1997, le Dr Wu Zhili, [吴之理] directeur de la division santé des Volontaires chinois en Corée, admettra en rédigeant un rapport détaillé, publié post-mortem en 2013, que les allégations de guerre bactériologique avaient constitué « une fausse alarme » :
les « moustiques d’hiver » qu’on disait disséminés par les Américains étant une espèce d’insectes bien connus en Corée n’ayant propagé ni la peste ni le choléra⁷.
Pourtant en 1952 on assiste à la première campagne de vaccination en RPC sous le slogan « Être sanitaire c’est être patriote ». Elle n’est pas sans rappeler la situation de nos jours. Des habitants du Liaoning, de la province Jilin (frontalière avec la Corée), de Tianjin et Pékin sont vaccinés contre diverses maladies que peuvent provoquer les piqures d’insectes.
Conclusions de cet épisode :
1) On assista aux premières campagnes de vaccination
2) L’APL inscrit dans sa formation permanente le combat contre la guerre bactériologique 3) Les premières structures visant à forger un dispositif offensif se développent
4) Un partenariat avec la dynastie Kim en Corée du Nord s’engage aussi dans ce domaine
L’histoire du développement de la machine de guerre biologique nord-coréenne mérite un développement à part. Rappelons juste deux épisodes en se souvenant que même si elles sont tendues parfois, les relations entre Pyongyang et Pékin sont toujours fraternelles quand il s’agit de combattre « l’impérialisme américain et ses laquais ».
C’est ainsi qu’en 2009, dix ans après sa défection de la Corée du Nord, le capitaine Im Chun-yong affirme que le régime expérimente des armes bactériologiques sur des enfants handicapés physiques et mentaux sur un site au nord de Pyongyang.
Enfin, hallucinant épilogue de cette collaboration sino-coréenne : quelques jours avant Noël 2017, la Corée du Nord de Kim Jong-un, le petit-fils de Kim Il-sung, menace de charger des têtes de missiles balistiques intercontinentaux de microbes d’anthrax (Bacillus anthracis) et de frapper ses ennemis…
Nie Rongzhen « père de la guerre bactériologique »
Personnage clef dans cette histoire Nie Rongzhen est né dans le Sichuan en 1899. On l’a surnommé « le père de la bombe atomique ». Compagnon de Deng Xiaoping [邓小平] et de Zhou Enlai [周恩来] en France dans les années 1920, il a étudié à Charleroi en Belgique la chimie et l’ingénierie électrique. On le considère comme un « scientifique » au sein du PCC.
Nie fut un responsable de la section des opérations spéciales [中央特務課 zhongyang tewuke] avec le même Zhou à Shanghai dans les années 1930. Vétéran de la Longue Marche, il est responsable de l’APL dans le Nord-Est à partir de 1948 et, on vient de le voir, il est chef d’État-major de l’APL au début de la guerre de Corée. D’où son implication dans le développement de la campagne bactériologique⁸.
Dans la deuxième partie des années 1950, promu maréchal, il prend la tête de la Commission de planification scientifique (et assure les liaisons avec l’APL). Avec Kang Sheng [康生], le chef des services de renseignements chargé de rapatrier des savants chinois d’outre-mer, et avec Qian Sanqiang, Nie se lance dans l’aventure de la bombe thermonucléaire dont la première explosion a lieu le 16 octobre 1964. De plus, Nie Rongzhen est responsable au sein du Comité des affaires militaires du développement des armes stratégiques puis de la Commission technique et scientifique de la Défense nationale qui concerne non seulement le nucléaire, mais bien aussi le chimique et le bactériologique.
Pendant la Révolution culturelle, tandis que des pans entiers du parti et l’APL sont démantibulés, grâce à une circulaire du 16 mai1966 savants et chercheurs sont mis à l’abri des exactions des gardes rouges et placés sous le contrôle du Ministère de la Défense et du maréchal Lin Biao pour poursuivre leurs expérimentations stratégiques (C’est aussi le cas Nie Rongzhen, qui a été son commissaire politique pendant la guerre antijaponaise).
Au même moment, en mai 1966, les services de renseignement occidentaux apprennent que l’APL effectue d’importants travaux dans le Yunnan pour construire des usines clandestines de mise au point d’armes bactériologiques. L’une d’elles aurait été installée à proximité du lac de Dali Fu
[大理市] (certaines sources évoquent une construction sous le lac !)
La proximité avec le Viêt-Nam est alors mise en relation avec la guerre d’Indochine et l’éventualité de maladies propagées dans le corps expéditionnaire américain. En réalité, l’inverse se produit avec l’usage massif d’armes chimiques, dont l’agent Orange, par les États-Unis.
Par ailleurs, les Chinois ont toutes raisons de craindre, puisqu’ils travaillent dans leurs laboratoires, en cas de conflit avec l’URSS que celle-ci frappe la Chine. C’est pourquoi en 1960 a été créé le Groupe dirigeant pour la prévention et le traitement des maladies en Chine du Nord. Il n’est pas dirigé par un savant, mais par un politique jusque dans les années 1970, à savoir le vétéran de la Corée et proche de Kang Sheng, Li Desheng [李德生], qui va diligenter l’enquête sur la tentative de putsch de Lin Biao [林彪], mort en Mongolie en 1970 dans un accident d’avion alors qu’il s’enfuit en URSS.
Suite aux combats de 1969 sur le fleuve Amour (Oussouri) entre soldats soviétiques et chinois, Mao et son groupe dirigeant ont redouté plus que jamais une attaque sur Pékin, y compris de nature nucléaire, chimique ou bactériologique. Ce qui justifie la construction anticipée de la ville souterraine de Pékin qu’il nous a été donné de visiter il y a une quinzaine d’années. Elle avait pour but de faire échec à une frappe ciblée sur la capitale. Ces labyrinthes, sas de confinement et hôpitaux souterrains avaient été conçus pour protéger des centaines de milliers de Pékinois face aux attaques NBC.
La direction maoïste n’avait pas eu tort. Les archives américaines et soviétiques le confirment. Mais sur le plan bactériologique, Brejnev et son état-major étaient très réticents. Les experts de le 15ème Directoire avaient fortement déconseillé l’usage d’agents pathogènes provoquant des épidémies (tel l’anthrax ou la variole) qui auraient eu un effet boomerang dans l’Extrême-Orient soviétique.
Convention internationale et refonte du système
Sous Deng Xiaoping, dans les années 1980, la Chine ne se lance pas seulement dans sa grande mutation économique se portant candidate pour entrer dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Elle adhère aussi à des traités internationaux telle la « Convention interdisant fabrication et stockage des armes biologiques ou toxines » mise en place en 1972 en pleine guerre d’Indochine.
La Chine signera cette convention en 1984, mais comme la plupart des signataires de premier plan, elle n’en poursuit pas moins ses recherches dans le domaine de la guerre biologique.
Divers événements le démontrent. En 1986, se produit dans le Xinjiang, près du centre d’expérimentation nucléaire de Lop Nor une épidémie de fièvre hémorragique. Le scientifique ex-soviétique Ken Alibek a raconté comment les Soviétiques en avaient déduit qu’était survenu un accident dans une base où l’on fabriquait des armes bactériologiques⁹. Un événement semblable se serait produit au Tibet en 1989 avec une épidémie d’anthrax alors qu’on assiste à une révolte tibétaine en écho aux événements de la place Tiananmen.
En outre en 1986, au moment de l’affaire du Xinjiang, s’est déjà posé la question de savoir si, comme l’APL l’avait déjà fait pour le nucléaire dans le désert du Lop Nor, elle avait utilisé comme cobayes des prisonniers ouïghours¹⁰.
L’année 1986 est centrale pour une autre raison : c’est l’époque où est lancé le programme 863 dont l’objectif principal est de réduire l’espace scientifique et technologique de la Chine avec l’Occident notamment dans les nanotechnologies, l’informatique et la biotechnologie. Associé à un autre programme R&D, le 973, le programme 863 couvre la guerre biologique.
Un exemple la naissance en 1989 de l’Institut de Virologie de Wuhan [武汉病毒研究所], aujourd’hui au cœur des polémiques sur le Covid-19.
En 1999, un rapport US établit la liste des laboratoires
Enfin dans ces années 90 on identifie des organisations de recherches de la guerre bio dans 12 sites à travers la Chine, détaillés par le spécialiste américain de la prolifération Eric Croddy¹¹.
On peut aussi détailler l’organisation pyramidale de la recherche en guerre biologique selon sa chaîne de commandement en 2020. Au sommet de la pyramide se trouve la Commission militaire centrale (CMC ou Zhongyang Junshi weihuanyi, 中央军事委员会) que préside aujourd’hui Xi Jinping et que présidait alors Deng. Elle assure l’orientation de l’Administration d’État de la science et de la technologie pour la défense nationale (SASTIND, 国家国防科技工业局). Anciennement COSTIND, cette structure anime, pour le domaine qui nous intéresse, la recherche du renseignement à l’étranger (appuyée par le renseignement militaire et la Sécurité d’État, le Guoanbu) et d’autre part la mise en chantier des armes spéciales en rapport avec la guerre biologique.
De même le Département général d’Armement (GAD) se chargera des supports à la dissémination d’armes biologique et effectue du renseignement via le Centre d’information scientifique et technologique (CDSTIC) et le Département des armes spéciales ou Tebingbu (特兵部) jusqu’en 2016 placé sous la direction de l’État-major de l’APL et que je pense être désormais placé sous l’égide de la CMC.
De la CMC et du Département de Logistique dépendent encore l’Académie des sciences militaires et en particulier l’Académie des sciences médicales militaires (AMMS) qu’on voit au centre de la bataille sur le Covid-19. Bien évidemment, ces structures sont reliées aux ministères de la Santé, de l’Agriculture (notamment l’Administration vétérinaire) et à une bonne part des laboratoires dont la gestion dépend de la SASAC (Commission d’administration et de supervision des actifs de l’Etat). Comme le souligne le chercheur israélien Dany Shoham ( qui a eu accès à de nombreuses sources du renseignement indien notamment grâce au Brigadier Rumel Dahiya) : « Un des corps principaux de la SASAC est la China National Biotech Corporation (CBNC ou Zhongguoshengwu, 中国生物).
Cette dernière possède un centre R&D à Pékin et divers sites de fabrication affiliés à un système appelé ‘Institutes of Biological Products’ (en principe, vaccins et dérivés du sang, officiellement), qui sont situés stratégiquement dans diverses villes de Chine. En font partie les Changchun Institute of Biological Products, Lanzhou Institute of Biological Products, Shanghai Institute of Biological Products, Wuhan Institute of Biological Products, et le National Vaccine and Serum Institute à Pékin. La CNBC est apparemment liée au groupe que détient la SASAC, la ‘China Poly Group Corporation et sa filiale, à savoir Poly Technologies, une compagnie de fabrication d’armes.¹² »
Si l’on doute encore du vaste enjeu que représente pour Pékin cet effort considérable il faut prendre connaissance des thèses de théoriciens de l’armée sur la nouvelle guerre biologique. C’est au sein de la 3ème Université militaire médicale qu’exerce le colonel Guo Jiwei [郭继卫], auteur de La guerre pour la domination biologique. Ce livre décrit le déclin de la pensée militaire traditionnelle au profit d’une révolution dans la stratégie sur un « front invisible » (qu’illustrent autant le numérique que la guerre des microbes et des virus), ou sur le théâtre d’une guerre sans contact.
Dans un article publié avec le biotechologiste Yang Xueyen, le colonel Guo n’y va pas par quatre chemins. Florilège de citations (dans lequel on voit qu’il ne limite la guerre biologique à sa dimension bactériologique :
« Nous pouvons utiliser de nombreuses biotechnologies directement comme moyens de défense et d’attaque, et avec des développements ultérieurs, elles deviendront de nouveaux systèmes d’armements (…) Les effets directs de ces armes peuvent être utilisés sur les corps humains pour altérer ses composantes biologiques (…) Résultat : nous pourrons bientôt redessiner, contrôler, et stimuler les molécules des êtres vivants (…) En attaquant un ennemi avec des armes militaires biotechnologiques, nous pourrons choisir les cibles d’une séquence nucléotide ou la structure de protéine. Nous pourrions causer un dysfonctionnement physiologique en produisant un effet endommageant ultramicroscopique sur la structure ou le fonctionnement d’un gène ou d’une protéine » (…) « L’application de vecteurs viraux dans la thérapie démontre que l’expression stable d’un gène de virulence exogène transfecté à des personnes ciblées via le rétrovirus, l’adénovirus ou un virus adéno-associé peut provoquer la maladie ou la blessure. Alors que se développera la technologie de transfection, on trouvera des vecteurs viraux ou d’autres vecteurs organismiques qui permettront aux transferts de vecteurs d’être plus efficaces pour la guerre.¹³»
C’est aux plus hauts échelons que l’on trouve des protagonistes de ces thèses, tel l’ancien président de l’AMMS, He Fuchu [贺福初] devenu depuis vice-président de l’Académie des sciences militaire de l’APL. Ou encore le général Zhang Shibo [张仕波], ex-chef de la garnison de Hong Kong (à la retraite) qui envisage dans son livre New Highland of War en 2017 l’usage des biotechnologies afin de mener des « attaques génétiques ethniques spécifiques », visant les particularités génétiques de l’adversaire (songe-t-il aux Ouïghours et aux Tibétains voire aux citoyens pro-Démocratie de Hong Kong ?)
En octobre 2002, au cours de la Conférence sur les armes biologiques, la Chine certifie qu’elle n’effectue pas de recherches à des fins militaires et encore moins ne fabrique des armes, pas plus qu’elle ne stocke du matériel biologique à usage double.
Toutes les informations en notre possession indiquent le contraire. La plupart des services de renseignement occidentaux ou asiatiques (Inde, Japon) le savent mais évitent de le rendre publique sous la pression des gouvernements et de leurs diplomates. A une exception près : Taïwan, comme on le verra dans un instant.
En tout cas quand on se pose la question de l’importance de la guerre bactério-biologique en Chine il faut croiser l’ordre de bataille de l’APL avec le conglomérat scientifique ad hoc. Or il se trouve que c’est à Wuhan que se trouve le plus grand regroupement de ces structures en binômes.
Le P-4 à Wuhan, hub du Hubei militaro-scientifique
Contrairement à d’autres villes chinoises, Wuhan est un hub du système militaro-scientifique tout particulièrement pour ce qui concerne la virologie, l’épidémiologie, la recherche bactériologique et biologique. Elle s’est d’autant plus développée depuis les épidémies de SRAS-Covid1 – puis la grippe aviaire (de souche H5N1) au début du siècle.
De plus 2016, la réforme de l’APL a eu un impact encore plus considérable, puisqu’avec la réduction des régions militaires de 7 à 5 théâtres opérationnels, Xi Jinping a mis en forme des structures de commandement interarmes « décentralisées ». C’est ainsi que Wuhan est devenu le lieu d’implantation de la Force de soutien logistique interarmes pour la totalité de l’APL en Chine. Un fait sans précédent. Cette Force de soutien (Lianqin Baozhang Budui, 联勤保障部队) est dirigé par un proche du Président Xi, le lieutenant-général Li Yong [李勇]. Tout comme l’ancien Département logistique de l’APL, cet élément coordinateur chapeaute le Département Santé de l’Armée, l’Académie des Sciences militaires médicales qui dépend aussi du Ministère de la Défense.
Or c’est de ce volet de service logistique que dépend l’Académie des sciences militaires médicales (AMMS) qui a repris en main le Laboratoire P-4 de Wuhan au fin janvier 2020, sous la férule de la générale Chen Wei devenue un « étoile rouge » depuis qu’elle a combattu le SRAS ou le Virus Ebola et en août 2020 sacrée "Héroïne du peuple " pour avoir officiellement vaincu le Covid-19 en Chine. L’AMMS avait été la première en 2003 structure à séparer les éléments pathogènes en Chine et développer un agent de diagnostic rapide du SRAS.
Je ne vais pas retracer ici l’épopée de la vente par les Français du Laboratoire P-4 à l’Institut de Virologie de Wuhan. Mon confrère Jacques Massey a été le premier à en révéler l’existence dans la Lettre d’informations TTU (Très Très Urgent) dès 2004, au lendemain de l’épidémie du SRAS, lettre qui, sous ma plume, a également évoqué un an plus tôt, en 2003, la gestion opaque de la crise par l’APL. Auteur d’un ouvrage de référence, Bioterrorisme, l’Etat d’Alerte, Massey a surtout révélé le 28 mai 2020 dans son enquête pour Médiapart des faits troublants concernant le Labo P-4 sous le titre : Wuhan – L’inévitable question de la prolifération. Il rappelle que si les services de sécurité français ont exprimé des réticences à ce qu’on vende déjà des P-3 (BSL-3, laboratoires de sécurité inférieure), c’est que les commandes à la société française Labover étaient passées conjointement « par le ministère chinois de la Santé et par celui de la Défense ».
De même, comme le rapporte dans son livre France-Chine. Les liaisons dangereuses, le journaliste à Challenges, Antoine Izambard, la construction du P-4 de Wuhan incombait à une entreprise de l’APL, même si au final, quinze entreprises françaises seront impliquées.
« La crainte d’une utilisation dévoyée de ces matériels “à double usage », civil mais aussi possiblement militaire, était donc fondée » écrit de son côté Massey en détaillant les péripéties de la vente.
De même si en 2016, la Commission interministérielle des biens à double usage (CIBDU) a refusé la commande de scaphandres de recherche en atmosphère confinée adaptés au P-4 de Wuhan pour renouveler la série livrée en 2010 c’est que le nombre requis était manifestement destiné à fournir d’autres sites non déclarés ( en dépit de la Convention internationale ratifiée par Pékin).
On comprend mieux que la Direction du renseignement militaire (DRM) et la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) soient particulièrement attachées depuis janvier 2020 à identifier l’existence, la localisation et l’usage exact des Laboratoires. Et qu’elles essaient de comprendre si l’origine du COVID-19 est seulement « naturelle ». Mission d’autant plus ardue que, contrairement aux accords passés, si les chercheurs chinois peuvent facilement venir à l’Instituteur Pasteur de Lyon, par exemple en 2009 pour s’initier à l’usage des scaphandres, la réciprocité n’est pas vraie, et qu’un seul médecin nordiste a pu se rendre sur les lieux. Pour les autres « collègues français » des Chinois pour reprendre l’expression d’un de ces scientifique : « Á l’institut de virologie de Wuhan, on ne va pas plus loin que la buvette… ! »
Se pose la question des risques d’accident qui était préoccupante y compris pour les Chinois du fait de la multiplicité de sites. On sait que la diplomatie américaine s’était émue du problème, et le président de la section de Wuhan de l’Académie des Sciences (CAS) Yuan Zhiming et le directeur de l’Institut de Virologie de Wuhan, Wang Yanyi ont eux-mêmes dû expliquer toutes les précautions prises lors d’une réunion à l’ONU sur la sécurité des laboratoires, déclinaison de la Convention sur les armes biologiques le 30 juillet 2019¹⁴.
La profusion d’organismes à Wuhan explique en partie les difficultés en matière de sécurisation. Quelle est-elle ? Voici à gros traits, les structures en cause :
∙ L’Institut de Virologie de Wuhan (WIV) Wuhan Bingdu Yanjiusuo [武汉病毒研究所]
Il dépend de l’Académie des Sciences (CAS) présidée à Wuhan par le Pr Yuan Zhiming
[袁志明]. Le WIV est dirigé à l’été 2019 par le prof. Mme Wang Yanyi [王延轶]
∙ Le laboratoire P-4 du WIV (opérationnel depuis 2018) dirigé par deux francophones, le Pr Yuan Zhiming et Mme Shi Zhengli [石正丽] surnommée « Batwoman » ex-doctorante à Montpellier qui, selon des sources chinoises, aurait identifié le Covid-19), repris en main par l’APL sous tutelle de la générale Chen Wei de l’AMMS dont l’Institut de Biotchenology travaille sur le Covid-19 avec la compagnie de vaccins CanSino Biotechnology. Selon Le Monde, l’équipe de Shi Zhengli en 2015 avait suscité un tollé « en modifiant génétiquement un coronavirus bien connu circulant chez les chauves-souris pour le rendre plus infectieux. ¹⁵»
∙Le Laboratoire P-3 de l’Hôpital central dont le chef des urgences Mme Ai Fen [艾芬] aurait lancé les premières alertes sur un nouveau SRAS. Réprimandée le 2 janvier 2020, pour avoir « répandu des rumeurs », elle est portée disparue depuis…
∙ Le Laboratoire P-3 lié à l’Institut de Virologie, à côté du campus de Wuchang (à côté du marché aux poissons où les autorités ont d’abord affirmé avoir décelé l’origine de la pandémie.
∙ Le laboratoire P-3 adossé à l’Université Travaille avec le Département de Biologie des agents pathogènes de l’Université.
Et le Collège de Virologie des Sciences de la Vie Dir/adjt : Yang Zhanqiu [杨占秋]lequel précise le 17 février 2020 que si son ministère de tutelle (de la Science et de la Technologie) vient de publier des nouvelles règles pour la sécurisation des labos, cela n’a rien à voir avec la propagation du Coronavirus à partir de Wuhan¹).
∙ Le laboratoire P-3 lié au Chinese Center for Disease Control and Prevention (CCDCP) du Hubei, dont le directeur, Gao Fu [高福], a annoncé le 26 janvier aux médias que le virus du Covid-19 trouvait son origine dans le marché aux poissons.
Ou opérait le fameux étudiant chasseur de chauve-souris Tian Junhua [田俊华] devenu une star des réseaux sociaux suite un film réalisé pour la publicité du Centre.
En novembre 2019, Tian était rattaché à une équipe pluridisciplinaire du WIV.
∙ Le laboratoire P-3 le plus récent (et dans le prolongement du P-4 français) implanté au Parc Technologique (à 12 km du centre de Wuhan), lequel travaille avec une animalerie, notamment sur ses singes. Du point de vue français, cette articulation P-4/P-3 pose des problèmes graves sur le plan sécurité)
∙ Le P-3 itinérant « fantôme » dont les services français essaient de savoir si c’est un clonage des autres (s’il fournit les autres en animaux et s’il était d’ailleurs basé ou seulement résident à Wuhan)
∙ Le Wuhan Institute of Biological Products (CanSino), dépend du CNBG (China National Biological Group – 中国生物) dont sont indiqués plus haut les liens avec la production militaire de vaccins, et la conception d’armes biologiques. Considéré comme l’un des huit établissements en Chine couvert par la Convention sur les armes biologiques.
Le P-4 de Harbin et l’hypothèse taïwanaise
Selon plusieurs sources, les services français cherchent à localiser un laboratoire P-4 à Harbin, cloné illégalement à partir de celui de Wuhan. Or son existence a été confirmée par le chef du National Security Bureau (NSB), la DGSE taïwanaise, Chiu Kuo-cheng
[邱國正] interviewé par mon confrère Jason Pan du Taipei Times lors d’une conférence de presse le 30 avril 2020. Rappelons que les services de Taipei sont, pour des raisons évidentes, les mieux informés de la région sur ce qui se passe en Chine continentale même si Chiu Kuo-cheng a annoncé ce jour-là la création d’une section spéciale pour suivre de plus près l’activité de guerre biologique₁₇.
Grâce aux services de renseignement, les médecins et scientifiques de Taïwan, qui ont prouvé leur efficacité face à la pandémie, ont aussi accès aux informations cachées qui circulent à Wuhan et ailleurs sur le continent. D’autant que Taïwan possède un Laboratoire P-4 qui dépend de la National Defence University, ayant été le seul pays asiatique avec le Japon à en posséder un avant que la France n’en monte un à Wuhan.
C’est pourquoi, on ne peut pas prendre à la légère le professeur Fang Chi-tai quand il a posé la question de savoir si le laboratoire P-4 de Wuhan pouvait avoir eu en ses murs des échantillons du virus, étant donné qu’il stockait déjà de nombreux échantillons d’agents pathogènes mortels comme le SRAS ou Ebola.
Ce scientifique citait le 24 février 2020 des chercheurs français qui précisaient que le P-4 de Wuhan avait aussi le virus de la chauve-souris RaTG13 qui comporterait 96% d’éléments de ressemblance avec le Covid-19.
« D’un point de vue académique, il est bien sûr possible que des acides aminés aient été ajoutés au Covid-19 par des humains dans des laboratoires. Il est possible que cela arrive dans la nature, mais les possibilités en sont très réduites.₁₈»
Cependant, le même professeur Fang ne reprenait pas l’hypothèse qu’il avait émise exactement un mois plus tôt indiquant que ce virus était probablement synthétique et créé parce que le laboratoire de Wuhan avait voulu développer un virus qui soit plus difficile à contenir que le SRAS (Entre-temps le film de sa conférence de février a disparu du web, le ministère de la Santé se refusant à expliquer pourquoi, probablement à la suite d’une intervention au plus haut niveau visant à éviter des accrochages diplomatiques avec Pékin).
Quoiqu’il en soit, les services de renseignements occidentaux cherchent désormais à savoir comment fonctionnent trois autres laboratoires P-4 clonés à partir de celui du Wuhan. Ils sont localisés à ce stade dans la région de Pékin, à Kunming et Harbin.
Pékin, la capitale du nord, nous ramène au début de cet article lorsque nous avons vu, en 1951, les Soviétiques aider les Chinois à monter leur première installation de guerre bactériologique.
La province du Yunnan dont la capitale est Kunming est notamment significative car c’est dans cette province qu’a été réalisée la plus grande recherche spécifique concernant les chauves-souris (présenté comme vecteur ou relais avec le pangolin de la pandémie).
Harbin, en Mandchourie a un côté symbolique puisque c’est là qu’ont débuté les expériences japonaises de l’Unité 731 pendant la Seconde guerre mondiale. Mais quand on remonte dans le temps, on s’aperçoit qu’il y a eu un passé épidémique. Comme je l’ai détaillé dans mon livre Les Tribulations des Bretons en Chine, en 1910 avait déjà surgi une peste pulmonaire de très grande intensité dont le vecteur était le tarbagan comme on appelle la marmotte de Sibérie. Gérald Mesny, médecin brestois exerçant à Tianjin, se rendit sur place pour diriger les opérations médicales.
Début janvier 1911, alors qu’il combattait l’épidémie à Harbin, il écrivait ce courrier : « La maladie tue tous ceux qui sont attaqués. Cela est terrible à voir. Les gens tombent dans la rue, frappés à mort. Il est impossible de les enterrer, le sol est gelé et l’on ne peut y creuser un trou qu’à l’aide de la dynamite. La ville est la plus affreuse que vous ayez vue ; les maisons sont faites avec des débris de toutes sortes ; s’il y en a dix bonnes pour 60 000 habitants c’est beaucoup. Le nombre de morts s’accroît chaque jour dans la ville chinoise, il est maintenant entre 80 et 90 par jour. J’ai peur que nous soyons en présence d’une épidémie terrible qui, en dépit de toutes les mesures prises, va balayer toute la contrée. »
Précurseur de ces médecins et soignants, français ou chinois, qui combattent avec courage aujourd’hui le Covid-19, Gérald Mesny mourut le 14 janvier 1911 dans cette épidémie qui fit 50 000 victimes.
Le renseignement médical stratégique
Un siècle plus tard, par temps de pandémie, l’offensive des services de renseignement chinois civils et militaires (Guoanbu, le Qingbaobu, voir notre livre Chinese Spies) dans le domaine du renseignement médical peut être cataloguer de diverses façons.
Il y a le captage d’informations et le vol d’éléments pathogènes comme cela s’est intensifié ces dernières années. Des récentes opérations d’espionnage scientifiques ont mis en cause les Chinois en rapport avec le vol ou transfert de souche, d’échantillons d’agents pathogènes dans pays étrangers. Quand ils sont pris la main dans le sac, les Chinois font tout pour détourner l’attention de leur effort de guerre biologique pour laisser entendre qu’il s’agit simplement d’accélérer les recherches pour la réalisation de vaccins. Et, en quelque sorte, c’est pour le bien du monde qu’ils agissent…
L’intensification du « renseignement médical stratégique » [zhanluede yixue qingbao, 战略的医学情报] vise aussi à modéliser la façon dont les autres pays réagissent à la pandémie. Il vise aussi à obtenir des informations sur les recherches effectuer pour parvenir à la mise au point de vaccins. De ce point de vue, la manpower Chine n’est bien sûr pas le seul pays à avoir agi de la sorte. Mais ses moyens et son sont supérieurs aux autres. Nous y reviendrons dans un prochain article.
Et ils espèrent à la faveur de cette situation mondiale accroître leur puissance technologique, pas seulement en interne avec leurs moyens de traçabilité et de géolocalisation de toute une population, mais à l’échelle de la planète, en poussant les autres pays à la faute en adoptant leurs méthodes de quadrillage numérique et si possible (ce qui rapporte gros sur le plan commercial) leur matériel technologique (à commencer par leur dispositif 5G). C’est un deuxième volet, tout aussi préoccupant que la pandémie du Covid-19, comme le démontre le coup de force sur Hong Kong à l’heure où sont écrites ces lignes.
NOTES & BIBLIOGRAPHIE
[1] CIA-RDP82-00457R013100370001-9
[2] Komintern : l’Internationale communiste fondée par Lénine en 1919, dissoute par Staline en 1943.
[3] Voir R. Faligot, Rémi Kauffer, Kang Sheng et les services secrets chinois (1927-1987), Robert Laffont, 1987
[4] Le Monde, 14 mai 1952.
[5] Mao Zedong utilise le slogan Fencui Xijunzhan 粉粹细菌战 (mot-à-mot : écraser la guerre bactériologique)
[6] Voir aussi Milton Leintenberg, “New Russian Evidence on the Korean War Biological Warfare Allegations: Background and Analysis” in Cold War International History Project, Bulletin 11.
[7] Wu Zhili, “ The Bacteriological War of 1952 is a False Alarm”, Wilson Center, Digital Archive.
[8] Selon Peter Mattis et Matthew Brazil, Nie a envoyé des centaines d’officiers de renseignement auprès des Nord-Coréens ce qui fait qu’il était au courant de la non-existence des armes bactériologique, voir leur livre Chinese Communist Espionnage, An Intelligence Primer, Naval Institute Press, 2019.
[9] Ken Alibek, Biohazard : The Chilling True Story of the Largest Covert Biological Weapons Program in the Wolrd-Told from Inside by the Man Who Ran It, Ramdom House, 1999.
[10] Communication à l’auteur de David Bonavia de la Far Eastern Economic Review, à Hong Kong, 4 juillet 1986.
[11] Voir Eric Croddy, Clarisa Perez-Armendariz et John Hart, Chemical and Biological Warfare: A Comprehensive Survey for the Concerned Citizen.
[12] Dany Shoham (2015): China’s Biological Warfare Programme: An Integrative Study with Special Refernce to Biological Weapons Capabilities, Journal of Defence Studies, Vol.9, N°2 April-June 2015, pp. 131-156.
[13] Colonel Guo Ji-wei, Xue-sen Yang, « Ultramicro, Nonlethal and Reservible – Looking Ahead to Military Biotechnology, in Military Review, July-August 2005.
[14] Zhang Yihan, Zhang Han (Institute of Virology, Wuhan) « Capacity building of biosafety Laboratories, a 2019 side event of expert meeting on biological weapons convention, was held in UN Geneva. (Journal of Biosafety and Biosecurity).
[15] Chloé Hecketsweiler, “ Le SARS-COV-2 est-il sorti d’un laboratoire ? » Le Monde, 22 avril 2020.
[16] Global Times, 17 février 2020 (“Biosafety guideline issued to fix chronic management loopholes at virus labs).
[17] Jason Pan, “Virus Outbreak: NSB outlines Wuhan intelligence” in Taipei Times, 1er mai 2020.
[18] Keoni Everington, « Taïwanese professor says Wuhan coronavirus likely man-made”, Taïwan News, 24 février 2020.
Comments